A la tombée de la nuit, ce 30 mai 2003, le convoi d'Aung San Suu Kyi progresse sur une mauvaise route de haute Birmanie. La «Dame» rentre d’une tournée triomphale dans le nord du pays.
Depuis la mi-avril 2003, des foules de plus en plus denses, enthousiastes et ferventes, se rassemblent sur son passage. Malgré les menaces et les arrestations, la réouverture des bureaux de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti qu'elle a contribué à fonder en 1988, s'accélère dans tout le pays.
Vers 20 heures, la caravane – une dizaine de voitures et une centaine de motos –  quitte le village de Saingpyin, où madame Suu Kyi est venue réconforter la famille d'un élu de son parti, arrêté pour avoir contribué aux préparatifs de sa visite. Dans l'obscurité, près d'un hameau, un groupe d'hommes habillés en moines fait signe au véhicule de tête de stopper. A ce moment, surgissent plusieurs centaines de nervis armés de barres de fer, de bam­bous aiguisés et de bâtons. Les assaillants, en civil, arborent un brassard blanc. Ils font pleuvoir une grêle de coups sur les membres de la LND et les villageois venus acclamer Aung San Suu Kyi, en s'acharnant particulièrement sur les femmes auxquelles ils arrachent vêtements et bijoux.
Le convoi est démantelé. Des militants tentent de s'enfuir. On relèvera cinquante à soixante-dix victimes. Les hommes habillés en moines font voler en éclats les vitres du pick-up dans lequel voyageait la Dame. Les coups portés lui auraient été fatals si le chauffeur n'était parvenu à redémarrer en catastrophe. Mais quelques kilomètres plus loin. la route est barrée ! Aung San Suu Kyi et ses compagnons sont conduits au poste de police. Retenue jusqu'à 1 heure du matin, elle est alors acheminée, seule, à la prison d'Insein, dans la proche banlieue de Rangoun, la capitale, où un aménage­ment spécial a été construit à son intention depuis plusieurs années.